La trace, le
signe, l’existant
L’histoire,
l’Histoire
Le
photographique
Le paradoxe.
Les images de François
Sagnes, celles rapportées d’Égypte lors de ses
nombreux voyages, relèvent, comme il est de tant de travaux
photographiques, de la confrontation paradoxale du photographe et du
réel .
Il s’agit de cette confrontation du désir de mise en évidence d’une réalité autre, qui ne serait ni celle du document, ni celle du témoignage, ni même celle d’un propos sur le lieu, avec les blocs épars de ce qui fit l’histoire, de ce qui est, de ce qui nous entoure et nous a façonné et dont il faut bien se saisir puisque ce médium l’exige. Mesure paradoxale puisque ici l’auteur se défend de l’encombrement de l’espace décrit par les choses physiques, qu’il cherche à rendre suffisamment neutre, ouvert, perméable pour que puissent s‘y loger les objets virtuels de sa pensée.
Le trop plein de lumière de ses paysages, l’effacement du sujet que celui-ci induit, ne se veut pas simple redondance de ce que l’on croit savoir de ces régions. C’est au contraire l’affirmation du choix d’un appauvrissement descriptif au service de ce qui n’a pas d’évidence formelle : l’effort de perception.
Le mieux est ici, une fois encore, le moins ; l’évacuation des significations attendues, cartes postales anecdotiques, grands reportages impressionnants, photo journalisme didactique, au profit de l’émergence d’une distinction, d’une matérialité sans contexte, où le support lui-même serait le signe et le photographique sa ponctuation. Comme si la consécration plastique de l’effort ne pouvait être que le retour aux agents premiers, au support, au papier, au blanc.
Il n’y a ni pathos dans ce travail, ni cliché, ni transposition, ni indice, ni souvenir. Il ne s’agit pas d’un commentaire, si ce n’est sur le geste et l’action du photographe.
Car être photographe, c’est photographier, c’est-à-dire donner du sens par le rapport aux choses autant que par le propos sur la photographie.
Alain Julliard
Novembre 1991
Texte publié dans le catalogue : Image, N° 38; Centre de la photographie de Genève, décembre 1991 .
Alain Julliard est écrivain.