Retour à l'index des séries de photographies


Retour au curriculum
Retour à la liste des textes critiques


Un regard paysager et acoustique

sur les séries Marbres I et Marbres II de François Sagnes. 


Ce sont des photographies de vide. Bien sûr il y a cette matière minérale qui donne du grain à l’image, mais là n’est pas l’essentiel. Ce sont des photographies de la fragmentation de la matière ... Non, plutôt des photographies du vide qui fait tenir ensemble des fragments de la matière.

Au premier plan, des morceaux d'une matière défaite. Derrière ce premier plan, il y a cet espace qui englobe le sol jusqu'à la ligne qu’il marque avec le fond minéral.

C'est l'espace qui crée un décollement. Subtilité d’avoir réussi à photographier les tensions ténues au sein de l’épaisseur de vide qui sépare du fond massif les blocs en forme.

C’est en fait le vide central de cet espace qui constitue l’assise de chaque photographie. Il ouvre ce soupçon de perspective qui fait travailler tout l’espace photographique. On peut alors y voir un système fini de paysage minéral plutôt qu’un simple fragment de la Nature morte.

C'est un espace de respiration qui ramène le mouvement au cœur de ces images. On est mis face à la matière. On entend presque ses réactions épidermiques, à fleur de pierre, au coeur de ses poussières d’avoir voulu rester là où elle est, sans aller plus loin, alors qu’on chercherait à l’emmener plus loin.

C’est un duel brutal entre plein et vide qui tourne au dialogue complice par la simple présence de cette couche particulaire. Elle répond aux formes nettes des blocs fixes par une présence aérienne, cinétique. Cette couche d'espace introduit de l’aléatoire en plein coeur de l’image alors même qu’il semblait évincé par un précautionneux cadrage. Parfois à peine visible, avec la poussière comme liant, cette couche retient la matière dans l’image en raccrochant les blocs géométriques à leur contexte, en leur évitant de devenir des objets esthétiques. Elle écarte de ces photographies ce qui aurait pu être une trop grande présence formelle : elle empêche une lecture de qualités purement graphiques.

Cet espace aux contours indéfinis prend toute sa place lorsque la matière du plan vertical du fond se rapproche des blocs jusqu'à devenir trop importante et écraser l’image. Alors instinctivement on recherche ce qui rend un souffle, ce qui donne du corps et de la vie aux photographies de cette série.

Ce vide s’ouvre à l’attention, à l'investigation du curieux et à la curiosité du plasticien.

 

Clara Lescourret-Devrière

Paris - Montréal, 2007.

Texte de présentation de l’exposition Silences à la galerie Frédéric Moisan, juin 2007.


Clara Lescourret-Devrière est paysagiste.